Stephanie Steffen & Michel Hirschy

Un mystère. De l’œuvre dessiné de Stephanie Steffen, d’autres ont déjà évoqué le caractère mystérieux. Avec raison. Herbes mouillées, pétales qui se déploient en averse, chat filant sous l’ombre des arbres, oiseaux moqueurs, on suit quelque trace inconnue, on approche, on croit atteindre le centre d’un labyrinthe, le nombril d’un jardin, une source bruissant sous la mousse, et finalement rien, ou si peu… Un arrosoir, des paniers tressés, un tesson de carrelage sous nos pieds trempés !

L’artiste nous promène et nous égare dans une nature qui tient du kaléidoscope, du miroir-sorcière, de l’illusion ! Couleurs choisies et saturées jusqu’au poli de l’émail, précision des motifs reproduits, virtuosité de la mise en page aux cadrages inattendus et aux perspectives tronquées, cette procession plastique masque, tel un mirage, le véritable support du rébus au travers duquel nos regards s’aventurent.

Fragile ou solide comme la glace d’un lac gelé, tendue telle la peau d’un tambour, ou encore d’une douceur pareille à un vélin frotté, chaque feuille de papier abrite une scénographie où se lit une fascination profonde pour la nature ; celle que l’on découvre enfant, celle que l’on explore plus tard, celle que l’on regrette lorsqu’elle est perdue. Favorisant les moyens les plus simples – crayon, encre et peinture – les dessins d’une sensibilité extrême de Stephanie Steffen demeurent un mystère, nés dans l’atelier, derrière la vitre, sous le paysage.

Oui, ici le mystère tient du miracle.

Stéphane Dubois-dit-Bonclaude

Que penser des sculptures intrigantes de Michel Hirschy, de leur foisonnement d’éléments en interaction plus ou moins complexe, de cette savante chorégraphie, à la dynamique agréablement lente et apaisante, de ces paysages métalliques luxuriants faits de matériaux bruts, de ces sons et de ces jeux de lumières qui les rendent si vivantes, qui captent notre attention et nous font sourire aussi sûrement que les énormes et bruyantes ‘machinatinguely‘ ?

Michel Hirschy se présente ici, avant tout, comme le dépositaire d’un certain héritage artistique et artisanal. S’il s’est exprimé, dans sa carrière, dans des directions très variées, comme son parcours artistique en témoigne, il expose aujourd’hui des créations qui ne sont pas sans rapport avec les automates de Jacquet-Droz, avec le monde de l’horlogerie d’art, qui fut le biotope culturel du jeune Michel Hirschy, avec l’atelier d’orfèvrerie paternel et ses techniques aux beaux noms recensés par les encyclopédies en ligne : la ciselure, l’estampage, la gravure, la patine, le poinçonné, le repercé ou découpage à jour et le repoussé, dont il se fait l’exécutant avec, il faut bien le reconnaître, une habileté… d’artiste.

Il nous semble qu’on peut y voir une volonté de valoriser la précision du travail manuel de création, en opposition aux technologies modernes de l »électro-intello-artificiallo-métaverso-tri-dimensiono-impression‘, au service de la création d’une œuvre nourrie de souvenirs, de souvenirs d’enfance, d’émotions, de mystères et de clins d’œil amusés. Comme si ce monde ne pouvait s’approcher de façon intime que de cette façon, hors du temps et des artifices de notre époque.

Alors, laissons-nous emporter dans ces danses, ces arabesques, ces forêts de laiton, de cuivre, de tenons, de fines vis, de tiges, de feuilles, et laissons notre imagination s’évader vers ce dont elles témoignent : une certaine façon de travailler à la création artistique avec modestie, sérieux et humour, une pointe de mystère et de nostalgie, et un grand respect de l’histoire dont on est issu.

Claude-Alain Hauert